samedi 8 août 2020

Ceci n'est pas une tulipe

De Yves Michaud

Éditions Fayard



L’inauguration, le 4 octobre 2019, dans les jardins des Champs Élysées à Paris, de la sculpture Bouquet of Tulips « offerte » par l’artiste américain Jeff Koons à la France en hommage aux victimes des attentats terroristes de 2015 a attisé des polémiques mêlant art, spéculation, décision politique et choix esthétiques.

Après le plug anal qui avait été exposé par un « artiste » américain sur la place Vendôme mais qui avait été retiré parce que des riverains l’avait vandalisé, Jeff  Koons a réussi à exposer la sculpture la plus grossière...
Voir ce que signifie le mot Tulip dans l’argot US (c’est pour cela que Koons tenait à ce que le nom de l’œuvre ne soit pas traduit en français), et Koons revendique que toutes ses sculptures soient sexuelles, et là il a représenté des anus (il ne s’en cache pas !)... ce que l’auteur chez Fayard (un spécialiste de l’art, et qui dirigea les Beaux-Arts par exemple) traduit donc par un bouquet de « Culips ».

Les qualités esthétiques de ce monument ne sont pas l’objet de ce livre – bien que ces « tulipes » ressemblent plutôt à des anus qu’on n’a l’habitude ni de montrer ni de nommer.
Il s’agit surtout d’analyser ce dont il est révélateur, la manière dont l’opération s’est déroulée, ce qu’elle nous apprend sur la politique culturelle et l’art contemporains, sur les modes de décision et les intérêts en jeu. Enfin, sur les conceptions actuelles de la ville et, pour le dire sans fard, son enlaidissement systématique.

La question plus générale que pose l’affaire des « tulipes » est en effet celle de l’art dans la ville, celle de la "touristification" et enfin de l’enlaidissement au nom de la quête de la beauté, du bien-être et du confort. Nos villes (et tout particulièrement Paris) sont devenues des dépotoirs où se mêlent mobiliers urbains plus ou moins design, « œuvres d’art », panneaux, équipements et aménagements en tous genres.
Il est temps de réfléchir à ces enjeux, fût-ce de manière provocante.

Yves Michaud, philosophe et critique d’art, a dirigé l’école des Beaux- Arts de Paris (1989-1997). Il a conçu et animé L’Université de tous les savoirs (2000-2013). Auteur, entre autres textes sur l’art, de La crise de l’art contemporain (1997) et de L’art à l’état gazeux (2003), il prépare actuellement la suite de ce livre qui portera sur l’esthétique des atmosphères.


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